La Géologie
Dans le Cantal vous êtes au cœur d’un volcan. Chaque rocher, chaque cascade, chaque sommet vous apprendra davantage sur l’histoire du volcanisme cantalien.
Alors prêt à partir sur les traces du plus grand volcan d’Europe ?
Retrouvez ci-dessous toute l'histoire de la géologie de Saint-Jacques-des-Blats.
Les Strato-volcans
On rencontre les strato-volcans partout dans le monde. En Auvergne, ils sont représentés par le massif des monts Dore-Sancy, le Cézalier et surtout sur le Cantal, le plus grand strato-volcan d’Europe !
La forme conique plus ou moins parfaite des strato-volcans ne reflète pas toujours leur complexité. En effet, ces "montagnes" qui se forment en accumulant la lave sous des formes variées, soit effusives (coulées, dômes), soit explosives (blocs, lappili, cendres ou ponces), ne sont jamais en croissance permanente. Les périodes d'éruptions sont d'ailleurs plus courtes que les périodes entre deux éruptions !
Un strato-volcan peut généralement construire un édifice de 3 km de haut maximum, mais la majorité d'entre eux se situent entre 2 et 2,5 km pour volume avoisinant les 200 km3.
Longtemps, on a pensé que cette limite de taille était liée à l'érosion, très active pendant les longues périodes de repos du volcan. Mais, l'instabilité de son cône est en fait le principal facteur limitant la taille d'un strato-volcan.
Au fur et à mesure de sa croissance, les pentes du volcan deviennent de plus en plus abruptes, parfois même, l'accumulation dissymétrique de laves sur un de ses flancs entraîne un glissement gravitaire de toute une partie de l'édifice.
Depuis l'effondrement du mont St Helens le 18 mai 1980, beaucoup deglissements de flancs ou glissements sectoriels ont été reconnus sur de nombreux volcans. Ainsi, on identifie plusieurs évènements de ce type sur le Colima au Mexique, le Misti au Pérou, la Soufrière de Guadeloupe, le Merapi à Java, le massif du Mont Dore-Sancy et surtout le Cantal !
Cycle de croissance d'un strato-volcan
L'histoire volcanologique des strato-volcans s'organise par cycle, avec plusieurs phases alternant construction et destruction du cône et conditionnés par un épisode cataclysmique, la formation d'une caldeira d'effondrement.
1-Construction du strato-cône de base
L'édifice de base d'un strato-volcan est un cône plus ou moins régulier possédant au sommet un ou plusieurs cratères principaux. Ce cône se forme par accumulation de laves relativement pauvres en silice (basaltes ou andésites) pendant une période longue allant de quelques centaines à plusieurs milliers d'années. Les éruptions se produisent aussi bien aux cratères centraux qu'au niveau de petits appareils latéraux. Ces petits appareils sont édifices monogéniques, le plus souvent des cônes de scories. Ils sont appelés appareils adventifs ou latéraux. À tous les points de sortie du magma, les dynamismes éruptifs alternent explosions et effusions, c'est-à-dire projections (blocs, bombes, lapilli et cendres) et coulée de lave, qui finissent par former le strato-cône, ce véritable "mille-feuilles" minéral !
2-Formation d'une caldeira
Cette phase se produit quand le sommet du strato-cône s'effondre dans la chambre magmatique lors de sa vidange. Durant quelques heures, parfois quelques jours, une violente éruption paroxysmale émet plusieurs kilomètres cube de magma très riche en gaz. Un panache gigantesque, 50 km de haut sur le Pinatubo aux Philippines en 1991, s'écroule en des nombreuses coulées de cendres et de ponces qui dévastent la région sur des kilomètres à la ronde ! Les dépôts de ces écoulements pyroclastiques et les dépôts des retombés pliniennes associées au panache peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres d'épaisseur. Mais la structure la plus impressionnante qui marque ce type de cataclysme est la caldeira elle-même, une d'un diamètre dépression de quelques kilomètres qui modifie radicalement la morphologie du volcan.
3-Activité post-caldeira
La vidange de la chambre magmatique, qui a provoqué la formation de la caldeira, se termine par une ultime phase explosive. Des explosions pliniennes alternent alors aux cratères centraux avec la croissance de dômes, au même endroit ou à proximité des bordures de la caldeira. La destruction de ces dômes entraîne la formation de nuées ardentes et de leurs dépôts associés. À la fin de cette phase, un premier cycle éruptif est bouclé…
4-Strato-cône terminal
La reprise de l'activité sur le strato-cône est associée à une réalimentation de la chambre magmatique par un magma frais. L'activité ressemble en tout point à celle de la Phase 1. En fait, le strato-cône reprend sa construction, il entame un nouveau cycle et ses produits vont recouvrir, puis finir par masquer l'ancienne caldeira. Son profil alors peut être trompeur et son histoire plus complexe que sa silhouette ne le laisse paraître !
Le volcanisme du Cantal
Avec une superficie de 2 500 km2 (60 km sur 70 km), le Cantal est le plus grand strato-volcan d'Europe. Au moment de son apogée, il culminait vraisemblablement à un peu plus de 3000 m, mais aujourd'hui son point le plus haut, le Plomb du Cantal, s'élève seulement à 1855 m.
Longtemps on a pensé que ce démantèlement était dû uniquement à l'érosion. Mais, depuis 1981, année de l'éruption du mont St Helens, on sait que plusieurs déstabilisations majeures de ses flancs se sont produites dans le Cantal. Elles ont entraîné de vastes avalanches de débris. Les volumes impliqués sont colossaux et certains dépôts ont glissés sur pratiquement 40 km, modifiant radicalement la morphologie du Cantal.
L'histoire volcanologique du Cantal s'étale sur une période de 10 Ma (de13 à 3 Ma) et peut se résumer en 3 périodes distinctes :
- De 13 à 9 Ma, quelques rares cônes de scories émettent les coulées de basaltes dit "infracantaliens" dans les vallées au nord du massif, mais aussi à sa périphérie.
- Entre 9 et 6 Ma, une intense activité essentiellement trachy-andésitique entraîne la construction d'un grand "strato-cône" dont les pyroclastites sont rapidement entraînées par l'eau et forment des coulées de boue ou "lahars". C'est pendant cette période de croissance rapide que l'instabilité du "strato-cône" engendre plusieurs glissements de flanc qui le détruisent partiellement à l'Ouest. Puis, des dômes de phonolite ou de trachyte se mettent en place.
- Enfin, de 6 à 3 Ma, de grandes coulées fluides de basaltes "supracantaliens" nappent le volcan scellant son histoire antérieure. Dans le paysage, elles apparaissent comme de grandes surfaces plates, les planèzes. L'érosion a ensuite accentué le contraste entre le cœur et la périphérie du volcan.
Le Puy Griou
Surplombant fièrement Saint-Jacques-des-Blats, le puy Griou est sans aucun doute le sommet le plus caractéristique du Cantal.
Il constitue, avec ses voisins le Griounou (le petit Griou, 1514 m) et le puy l'Usclade (1484 m), un ensemble de dômes du même âge situés au centre du massif volcanique du Cantal.
Cet ensemble de dôme de phonolite fait partie de la phase tardive de construction du strato-volcan. Ils sont affectés d'une prismation et de figures de fluidalité qui les ont rendues sensibles à l'érosion. L'alternance entre le gel et le dégel pendant la dernière période glaciaire a entraîné un éboulis impressionnant qui nappe la base du puy Griou. Pourtant, pendant cette période, son dôme émergeait de la glace et c'est ainsi que le Griou a pris cette forme de pyramide conique qui lui est si caractéristique.
- Altitude : 1690 m
- Hauteur : 110 m env.
- Largeur : 500 m env.
- Localisation : Cantal, Auvergne, France
- Âge : 6,7 Ma
- Type d'appareil : strato-volcan
- Roche : phonolithe Dynamisme éruptif dominant :
- Explosif : inconnu
- Effusif : dôme
- Origine des magmas : Extension crustale (rifting)
L'avalanche de débris à Saint-Jacques-des-Blats
- Altitude : 960 m
- Épaisseur : inconnue
- Localisation : Cantal, Auvergne, France
- Âge : vers 7 Ma
- Type d'appareil : strato-volcan bouclier
- Roche : mégablocs et matrice, polygéniques
- Phénomène dominant : effondrement gravitaire d'un strato-cône
- Origine des magmas : Extension crustale (rifting)
Les dépôts d'avalanches de débris sont les formations dominantes dans le cantal. Ils affleurent surtout dans la partie sud-ouest du volcan, en particulier dans la vallée du Mars, de l'Aspre, de la Cère et de la Maronne à Salers. Mais l'affleurement ouvert à la faveur d'une modification du tracé de la route de Mauriac à Aurillac, près de Saint-Jacques-des-Blats, permet de bien comprendre ce qu'est une avalanche de débris. À 23 km du centre du volcan, cette coupe le long de la route entre Thiézac et St-Jacques des Blats montre des «mégablocs» sombres (B), pans entiers déplacés du volcan presque sans déformation. Ils sont enrobés dans une matrice polygénique claire (M) dont les éléments sont mélangés et plus ou moins broyés. À cet endroit, ces mégablocs sont les vestiges d’un ancien dôme de rhyolite démantelé par l’avalanche de débris. La rhyolite est une roche claire, qui devient plus ou moins rougeâtre à l’altération. Rare dans le Cantal, elle contient plus de 69% de Silice. Cet ancien vieux dôme d’environ 9 Ma, appelé le dôme d’Armandie. Il est l’affleurement de rhyolite le plus important de tout le massif.
Avalanche de débris : la leçon du Mt St. Helens
Le 18 mai 1980 au Mt St. Helens, les volcanologues ont assisté pour la première et unique fois à la déstabilisation d’un volcan. Ce phénomène qui fut suivi d’une éruption changea totalement les interprétations qu’on avait alors des "brèches du Cantal".
A - Dès avril 1980, l’injection dans le volcan d’une masse de magma visqueux entraîne un gonflement du flanc vers le nord et un affaissement partiel du sommet.
B - Le 18 mai 1980 à 8h30, un léger séisme déclenche le glissement du flanc nord, rendu instable par cette déformation. Vingt secondes après le début du glissement, le cryptodôme est décapité et les vieux dômes sont alors entraînés dans l’effondrement.
C - Trente secondes plus tard, alors que 2,5 km3 de roches continuent de glisser, la décompression brutale du magma déclenche un souffle gigantesque qui détruit tout sur 500 km2 et atteint une distance de 25 km.
Ce jour-là, le Mt St. Helens a perdu 600 m de hauteur et une cicatrice en forme de fer à cheval de 2 km de large marque le volcan, une caldeira d’avalanche de débris s’est formée. Pourtant dans le Cantal, l’analogie avec le St. Helens n’est cependant pas parfaite. En effet, les avalanches de débris dans le Cantal semblent ne jamais avoir étés accompagnés par des éruptions. Une forte altération des roches et des phénomènes purement gravitaires provoqués par des mouvements de failles sous le volcan permettent aujourd’hui d’expliquer les avalanches de débris du Cantal.
Le Plomb du Cantal
- Altitude : 1855 m
- Hauteur : 50 m env.
- Largeur : 140 m env.
- Localisation : Cantal, Auvergne, France
- Âge : 2,9 Ma (basaltes supracantaliens)
- Type d’appareil : Cône de scories sur strato-volcan
- Roche : basanite (basalte pauvre en silice)
- Dynamisme éruptif dominant :
- Explosif : strombolien supposé
- Effusif : culot de cratère en inversion de relief et coulées supposées
Une première question vient tout de suite à l’esprit quand on entend le nom de Plomb du Cantal, pourquoi pas puy comme la majorité des sommets auvergnats ?
Avant le 17ème siècle, sur les cartes on trouve "Pom du Cantal". Qui viendrait de "pomum", la pomme ou le pommeau en latin ! Il est vrai que la forme en demi-sphère de ce point culminant peut sans aucun doute évoquer un pommeau et lui avoir donné son nom.
Avec 1855 m, le plomb du Cantal est le point culminant du strato-volcan Cantal et les basanites qui composent son sommet ont également permis une des plus jeune datation du strato-volcan. Le massif est composé d’une puissante série de 800 mètres d’épaisseur formée par des dizaines de coulées de trachy-andésites, roches relativement claires, au milieu desquelles s’intercalent parfois des brèches également trachyandésitiques, mais plus sombres. Ces coulées épaisses de 20 à 40 mètres forment comme un gigantesque escalier aux marches laissant parfois apparaître les prismes caractéristiques des roches volcaniques. Cette régularité apparente est pourtant par endroits perturbée par de hautes murailles ruiniformes de brèches brunes et sombres qui sont en partie colonisées par la végétation. Ici, au cœur du strato-volcan, les brèches sont en place. Mais plus loin vers l’Ouest, elles constituent plus de la moitié des blocs et mégablocs des dépôts d’avalanche de débris. Au sommet de cette alternance de coulées et de brèches, trône un culot de basanite haut d’une cinquantaine de mètres pour un diamètre de 150 mètres. Les magmas basanitiques récents ont traversé toute la série des coulées et brèches trachyandésitiques pour former, il y a 2,9 Ma, un cône de scories que l’érosion a fait disparaître aujourd’hui. Seule, la lave solidifiée et très dure au fond du cratère a résisté à l’érosion, donnant ce curieux relief arrondi, le Plomb du Cantal.
Cette page a été conçue en collaboration avec Frédéric LECUYER, Docteur en Sciences de la Terre, Volcanologue. La Mairie de Saint-Jacques-des-Blats tient à le remercier chaleureusement.
Frédéric Lécuyer est né à Saint-Quentin dans l'Aisne. À la suite d'un travail de terrain sur les volcans de l'Aubrac et à sa véritable découverte de la volcanologie à Stromboli, dans les îles Éoliennes, il s'établit à Clermont-Ferrand et poursuit des études qui le mènent à étudier le volcanisme en Indonésie. En 1998, il crée la société Pyros, spécialisée dans la recherche, le conseil et la diffusion scientifique dans le domaine de la volcanologie. En 2003, il fonde le magazine Éruption, Objectif volcans. Il travaille en collaboration avec Le Figaro Magazine et Géo.